«La Palme de l’Oasis 16» MAROC : UN PROGRAMME PROJETE DE 155 BARRAGES PAR LE PLAN 2025-2028 !
L’AMDGJB PROPOSE LA STRATEGIE : DU BARRAGE-OUVRAGE AU BARRAGE-ECOSYSTEME !
Nous saluons l’initiative volontariste de Monsieur le Ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, visant à renforcer la sécurité hydrique du Royaume par la construction de 155 nouveaux barrages. Cette démarche est, à priori, une réponse directe et nécessaire à l’urgence climatique et au stress hydrique structurel.
*- Cependant, le succès à long terme de cet investissement colossal ne réside pas uniquement dans la capacité de stockage des ouvrages, mais dans la durabilité de cette capacité. Celle bien entendu de sa faisabilité première d’obtenir des réserves d’eau douce, mais également pour ce qui nous concerne sur la compréhension au niveau national de se ces investissements, cela pour tenir compte des réalités trop souvent oubliées que sont celles de ces ratios peu souvent cités définissant que le monde rural, à lui seul représente environ 90% de la superficie du royaume et que le reste, soit environ 10%, est constitué de zones urbaines, péri-urbaines et d’infrastructures, d’une part et que, bien que minoritaire en surface, la zone urbaine concentre plus de 60% de la population.
*- Que d’autre part pour ce qui est des répartitions de l’eau par secteurs d’utilisations :
- Les pourcentages peuvent varier légèrement selon les années et la pluviométrie, mais l’ordre de grandeur reste constant :
- Que l’agriculture est de loin le secteur le plus consommateur, avec environ 85-88% du total des ressources en eau mobilisées.
- Que pour ce qui est de l’eau potable et pour l’usage domestique, ce secteur représente environ 10-12% de la consommation.
- Que pour l’industrie et le tourisme, ces secteurs représentent une part plus faible, de l’ordre de 2-3% combinés.
*- Que si le Maroc était effectivement reconnu pour avoir un taux de mobilisation de ses eaux de surface parmi les plus élevés au monde, grâce à sa politique de grands barrages, le pays arrivant à capter et stocker une part très importante des écoulements avec des taux de mobilisation souvent estimés à plus de 80% des ressources en eau de surface renouvelables, il n’en est plus du tout de même depuis ces quelques dernières années pour lesquelles la sécheresse aura tout particulièrement impacté les plans d’actions définis.
*- Aussi, c’est bien afin d’en tirer les conséquences durables qu’il s’agit de considérer les réels besoins de ces investissements pour des ouvrages, pour lesquels se doivent d’être traités les problématiques de l’envasement, des formules techniques à adapter pour éviter ces écueils, pour créer de l’emploi, pour réguler l’exode rural !
*- Aussi à ce niveau d’une déclaration d’intention, nous tenons à formuler cette analyse critique et nos propositions d’enrichissements du plan de construction de ces 155 nouveaux barrages pour une résilience hydrique durable.
*- Celle-ci vise à attirer l’attention sur le phénomène critique de l’envasement et à proposer une stratégie complémentaire, indispensable, centrée sur l’aménagement intégré des bassins versants.
Nous proposons pour cela de transformer chaque nouveau barrage d’une simple infrastructure de stockage en un pôle de développement socio-écologique local.
1. Notre diagnostic : L’envasement, une épée de Damoclès, sur les « Barrages marocains »
L’expérience acquise depuis la politique visionnaire initiée par Feu Sa Majesté le Roi Hassan II dans les années 60-70 est sans appel : un barrage sans un bassin versant protégé, est un ouvrage à durée de vie limitée.
1/1*- Le taux d’envasement actuel : Les études menées par le Ministère de l’Équipement et de l’Eau et divers organismes de recherche confirment une perte de capacité de stockage annuelle significative. Si un chiffre global est difficile à consolider pour tous les ouvrages, la perte annuelle est estimée en moyenne à 0.5% de la capacité totale des barrages du royaume. Certains ouvrages, notamment dans certaines régions au nord comme au sud maroc où l’érosion est la plus forte, subissent des taux bien supérieurs, atteignant parfois plus de 1% par an. Cela signifie que nous perdons chaque année environ 75 millions de mètres cubes de capacité des stockages actuels sans compter ceux à venir pour ces nouvelles réalisations : l’équivalent de plusieurs barrages moyens. L’envasement n’est pas une problématique mineure, c’est une perte nette du capital hydrique marocain qui aura à être récupéré par d’autres technicités dont celle du dessalement d’eau de mer et/ou eaux saumâtres.
1/2*-La cause principale – L’érosion des bassins versants : Le Maroc, de par sa géomorphologie et son climat, est sujet à une forte érosion hydrique. Faute d’un couvert végétal dense et stable, les pluies, souvent de caractères orageux et torrentiels, arrachent des quantités massives de sédiments. La charge solide des oueds en période de crue peut atteindre des proportions extrêmes. Dans les bassins versants les plus dégradés, les concentrations en sédiments peuvent dépasser les 150/250 grammes par litre, transformant les cours d’eau en véritables coulées de boue. Ce ne sont pas là des pourcentages, mais bien des mesures de concentration qui illustrent la violence du phénomène. Cette érosion est la source directe de l’envasement des barrages.
2. Notre stratégie proposée : Du barrage-Ouvrage au barrage-écosystème !
Construire 155 barrages sans une stratégie d’accompagnement robuste pour leurs bassins versants serait une erreur stratégique. Nous proposons une vision intégrée où l’amont (le bassin versant) est aussi important que l’aval (l’ouvrage lui-même).
2/1*- Le principe du « double ouvrage » : barrage principal et barrage de services collinaires !
Pour chaque projet de barrage principal ou secondaire, nous recommandons de systématiser la construction d’un barrage collinaire « de service » en amont. La fonction de cet ouvrage, plus modeste n’est pas le stockage d’eau pour l’irrigation ou l’eau potable, mais au contraire de servir de réserve stratégique dédiée exclusivement à l’irrigation des campagnes de reforestations et d’agroforesteries du bassin versant principal. Cette approche garantirait les ressources en eau nécessaires à la réussite des plantations, même en période de sécheresse, assurant ainsi la création d’un bouclier végétal pérenne contre l’érosion. C’est en cela un investissement direct à plusieurs fonctions dans la protection, la longévité de l’investissement principal, en économie sociétale par les créations d’emplois locaux.
2/2*- La reforestation et l’agroforesterie : Des piliers économiques et Sociaux !
La reforestation et l’agroforesterie de ces 155 nouveaux bassins versants auraient à être considérées comme un projet national à part entière, urbain comme rural et générateur d’un double dividende.
- Un dividende écologique : Définissant une fixation des sols, une réduction drastique de l’envasement, la recharge des nappes, et la création de puits de carbone.
- Un dividende socio-économique : La stratégie « Forêts du Maroc 2020-2030 » ayant déjà établi un potentiel de création d’emplois verts, en ciblant spécifiquement ces 155 zones, souvent rurales et montagneuses, ce programme pourrait générer une estimation de 35 000 à 50 000 emplois directs et indirects (pépiniéristes, ouvriers forestiers, techniciens, gardes…). Cette création d’emplois locaux et durables deviendrait ainsi le levier le plus efficace pour lutter contre l’exode rural, en offrant des perspectives d’avenir aux populations qui sont les premières gardiennes de ces écosystèmes. Il s’agirait en cela de stabiliser une part significative des ménages qui, chaque année, quittent les zones rurales faute d’opportunités.
3. Intégration du génie hydraulique ancestral : Une modernité enracinée !
Le Maroc possède un patrimoine hydraulique d’une intelligence remarquable. L’ignorer serait un non-sens.
- Réhabiliter et reconnecter les kettaras : Ces galeries drainantes millénaires qui se doivent d’être reconverties en tant qu’outils de résiliences exceptionnels. Nous proposons pour cela de cartographier et de réhabiliter les réseaux de kettaras situés dans toutes régions en aval des futurs barrages afin qu’en période de crue, une partie des eaux des crues dérivées pourrait être dirigée vers ces réseaux pour servir de système de dispersions et d’infiltrations à grande échelle permettant ainsi la recharge active, des nappes phréatiques, en stockant l’eau à l’abri de l’évaporation.
- Réinstitutionnaliser les « Tifnites » : Traditionnellement ces plaines d’inondations contrôlées (Tifnites) étaient utilisées pour une agriculture de décrue, restant un modèle de gestion douce de l’eau. Nous pensons que ces dernières peuvent être réintégrer dans les schémas directeurs d’aménagements pour certaines régions facilitant ainsi des économies sociétales pérennes et durables cela tout simplement, s’agissant qu’en cas de crue importante, plutôt que de laisser des volumes d’eau précieux et érosifs se perdre en mer, nous aurions à reconstituer les réseaux permettant de les diriger vers ces zones. Elles agissent en fait comme des éponges naturelles, ralentissant les flux, déposant les sédiments fertiles, et maximisant l’infiltration pour la recharge des aquifères.
- Pensons que ce programme pourrait générer une estimation de 10 000 à 15 000 emplois directs et indirects !
En tant qu’Association Marocaine de Développement du Géoparc Jbel Bani qui nous préoccupons tout particulièrement de développement territorial, nous sommes à même de penser qu’il est absolument nécessaire de donner une âme et un corps à ce projet des 155 barrages programmés, qui de fait, auront certes été pensé en tant qu’ossature de la future sécurité hydrique du Maroc, mais en omettant l’inclusion et l’intégration des populations qui font ces territoires.
Aussi proposons nous qu’il ne s’agit pas uniquement et de seulement stocker l’eau, mais bien de gérer le cycle complet de l’eau, de la goutte de pluie qui tombe sur la montagne jusqu’à son infiltration dans la nappe phréatique, jusqu’à la vie qu’elle est supposée donner aux territoires.
Pour cela notre proposition consiste de vouloir compléter et transformer un plan d’ingénierie civile en un véritable projet de société :
- Durable, en protégeant les investissements de l’envasement.
- Créateur d’emplois verts, en luttant contre l’exode rural et générant des crédits carbones.
- Résiliant, en rechargeant les réserves souterraines stratégiques.
- Enraciné, en valorisant notre patrimoine hydraulique ancestral.
Aussi en tant qu’AMDGJB, soucieuse du devenir de ces territoires ruraux et oasiens, nous exhortons Monsieur le Ministre Nizar BARAKAT à considérer cette approche intégrée qui pourrait ainsi faire du plan Barrages 2025-2028 non seulement un succès technique, mais une véritable locomotive pour un développement territorial équilibré et durable.
Patrick SIMON
Président AMDGJB 14 Septembre 2025