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Interview de Patrick SIMON par Aicha DKOUIR Master Agadir: L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE EN MONDE RURAL : UN PATRIMOINE MAROCAIN !

Bonjour, vous qui vivez à Tata, intégré dans le monde rural, d’après votre expérience qu’elle importance est accordée aux conditions de vie nouvelles avec ce changement climatique ?  

L’architecture, régionale et rurale d’une région géographique proprement dite, doit se définir comme attraction, attractivité et image de l’identitaire géographique.  Par l’usage des matériaux, minéraux ou végétaux, utilisés, celle-ci va se définir comme le miroir identitaire, mais également sociologique en phase avec les conditions climatiques (arides ou semi-arides) où elle s’exprime.

L’habitat pluriconfessionnel, de tous horizons aura toujours été architecturé en fonction de la sociologie du milieu familial et tribal donnant le caractère régional qui l’identifie à sa rencontre.

 Cela aura toujours été issu des aspects géologiques qui, par la fréquentation des chasseurs puis des cueilleurs sédentaires aura définit une géographie des lieux amenant à cette réalité de l’aspect vernaculaire marqué par l’équilibre trouvé entre l’humain, la géologie et géographie des lieux, qui amènera à cet aspect identitaire et représentatif des populations qui l’habitent. Ces dernières se seront toujours adaptées aux moyens géographiques des lieux pour s’y implanter, s’y identifier en regroupant et constituant les notions des patrimoine culturel matériel comme immatériel qui les identifient ! C’est en cela que régionalement au Maroc, l’on pourra distinguer le Rifain du Doukkali, du Marrakchi, du Tangérois, des Provinces du Sud etc., etc.

Donc vous considérez comme remarquable le fait que le terroir et le régional soient des éléments d’identité et authenticité des lieux de résidences !

C’est par ces adaptations cultuelles et culturelles que se seront distinguées les différentes formes de sociologies présentes déterminant des patrimoines matériels ou immatériels distinctifs, car nationaux comme régionaux (notions d’architecture, d’espaces familiaux…etc.,). Les besoins vernaculaires qui s’expriment actuellement répondent d’une certaine manière à ces besoins de se retrouver culturellement, que l’on soit issu ou vivant en milieu urbain ou rural ! Ce ressenti cultuel refuse de mon avis ces analogies et unifications qui feraient que l’humain se sent exclu de son propre milieu, non ressenti. Le fait d’être rattaché aux usages modernes, n’annihile en rien les notions de culture d’origine, le système économique recherchant en ce sens plus l’unification que l’identitaire.

Que pensez-vous de ces nouvelles tendances architecturales qui s’expriment comme étant actuellement unifiées du nord au sud en bordures de ces routes marocaines ?

Je pense que des notions de politiques continentales, nationales, environnementales, puis régionales et locales ont fait que, dans un cadre de mise en forme démocratique, les usages environnementaux, déterminent des résultantes éco sociétales qui ne pourront que changer du fait de l’usage des matériaux employés pour urbanisme et architecture appliquées par le politique qui devient en cela acteur de la détermination de la sociologie de ces lieux. En ce sens au Maroc, il se sera produit cette notion de différentiel entre monde urbain et rural. Aussi, le rural représentant quatre-vingt-cinq pour cent (85 %) du territoire, le développement régalien vertical aura déterminé un certain nombre de normes sociétales qui n’ont fait qu’influencer, dans l’usage, un tournant urbanistique s’éloignant de tous aspects identitaires ruraux, ethniques, tribaux. L’état aura sans doute été dans son rôle en cherchant à orienter l’éco sociétal vers une certaine forme de néo libéralisme qui en premier lieu aura gommé ces formes identitaires et architecturales des milieux de vie sociétale, ce qui n’aura fait qu’éloigner les populations des notions vernaculaires régionales.

En ce sens pour ce qu’y est du Sud, l’APDS (Agence de Développement des Provinces du Sud) l’on peut définir que celle-ci, aura pendant ces deux dernières décennies, beaucoup mis à mal l’habitat vernaculaire, en ayant eu pour principal objectifs un laisser faire culturel en urbanisme, architecture et urbanisation régionales et territoriales en lissant réaliser des types d’habitations en copié collé, dans une volonté de modernité non gérée, non maitrisée ôtant tout caractère identifiant de ces régions, avec des conséquences éco sociétales que cela aura apporté, niant par ces objectifs, toutes idées culturelles et de conservation du patrimoine.

Donc ayant conscience de ces nouvelles tendances éco-sociétales comment avez-vous réagi, si vous l’avez fait bien entendu !

De par mes activités d’expert national et international, j’ai toujours agi en réaction tenant à faire valoir ces notions d’attractions, d’attractivités et d’images que le Maroc devait faire valoir au nom de sa régionalisation très marquée, bien qu’écrasée par une image purement nationale au détriment des images territoriales que l’on peut reconnaitre en tous pays

Afin de faire valoir cette vérité vernaculaire des identités et authenticités marocaines qui constituent cette richesse culturelle patrimoniale identitaire, pour ce qui nous concerne, en tant qu’initiateur du Projet Pilote du « Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani » qui s’étend de Zagora jusqu’à Tan Tan, nous nous sommes attachés, à notre niveau de chercher à sauvegarder le plus possible ces exemples d’architectures vernaculaires qui démarquent les régions d’Errachidia, de Zagora, de Ouarzazate, de Tata, de Guelmim et autres provinces du Sud, en faisant valoir cet intérêt certain et réel de l’attachement de l’humain à son territoire d’une part et d’autre part en démontrant le faire valoir d’avoir à agir en ce sens, afin de réguler les divers aspects sociologiques, éco-sociétaux déterminant les équilibres humains de ces régions.

Nous avons pratiqué cela en participant dans différents Congrès, Forum, Séminaires universitaires nationaux comme internationaux !

Nous avons pu démontrer ainsi la conservation des activités des Maallemines (les spécialistes en maçonneries en matériaux locaux, des artisans mais aussi de la société civile). On a ainsi pu, grâce à mes études sur une quarantaine de Ksour de la région d’Errachidia pratiquer des réhabilitations en phase avec les besoins exprimés des populations et ethnies, en perpétuant le savoir-faire des populations locales, concernant l’habitude et le métier, afin d’assurer une transmission des connaissances et de savoir-faire, et d’autre part en répondant à des volontés certaines, exprimées de ces populations de vouloir conserver leurs milieux de vie avec pour exemple, pour certains ksour le refus catégorique d’aménager eau et électricité dans ces ksour avant la réalisation des réseaux d’assainissement.

Par ailleurs, dans la région de Tata où nous sommes installés, et pour les autres provinces du Sud de Guelmim Es Smara (à l’époque) comme de Laâyoune et de Dakhla pour lesquelles nous avons pu exprimer nos désidératas par écrits, vidéos et documentaires, malgré toutes nos revendications, études exprimées et présentées aux services de l’APDS (Agence du Sud), nous considérons que l’agence aura fait preuve d’un important laxisme vis-à-vis de la sauvegarde du patrimoine vernaculaire bâti qui était considérable. J’affirme en ce sens qu’en 20 à 25 ans, le Sud Maroc a perdu toutes possibilités de récupérer quatre-vingts pour cent (80%) de ce patrimoine bâti qui était très important par la marque culturelle patrimoniale matérielle, comme immatérielle, que cela représentait en ces magnifiques demeures et ensembles oasiens exprimant tout un art de vivre.

Reste, malgré tout, cet important patrimoine architectural et culturel des greniers collectifs qui ne sont que très peu protégés, le ministère de la Culture n’allouant qu’un très faible budget à la sauvegarde de ces monuments historiques tout autant que culturels. Nous agissons en cela près de ce Ministère et de sa direction Régionale auxquelles nous avons pu faire valoir un plan d’actions applicables pour ce qu’il reste de remarquable sur le plan identitaire régional.

jbelbanigeoparc

La Société Civile locale, grâce à des associations ou à des volontés individuelles, expriment en général ce besoin de vouloir s’en occuper, afin que ce patrimoine continue d’exister pour ce qu’il est, comme et surtout afin d’exprimer et projeter l’image que ces populations désirent vouloir faire valoir de leurs milieux.

Salima Naji, en sa qualité d’Architecte, et avec une volonté d’exprimer ces travaux de réhabilitations en tant qu’ethnologue et anthropologue, qui aura démarré peu après nous tente, en ce sens, d’exprimer cette volonté de manière bien trop isolée, les architectes et urbanistes marocains restant très timides pour se décider de défendre ces valeurs éco-sociétales.

Pour notre part, nous nous étions donnés pour mission de mettre en œuvre des réhabilitations en tant que Projets pilotes représentatifs du Projet Pilote du Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani lui-même, afin de faire valoir tous ces critères d’existences d’une part mais aussi et surtout d’autre part, pour redonner cette confiance aux familles de trouver des issues à l’emploi pour leurs enfants par ces filières géo agro éco touristiques permettant ainsi aux parents de pouvoir promettre et léguer une suite à leur existence en leurs régions et territoires respectifs !

 En quoi avez-vous pu exprimer ces volontés ?

Nous aurons agi pour réhabiliter de nombreux projets qu’il aura fallu adapter ! J’ai eu en ce sens afin de propager ces capacités et réalisations en divers lieux, à établir les cahiers des charges des habitats en terre pour le Maroc se rapportant au développement de la « Grande Traversée de l’Atlas Marocain »  (GTAM  dont la Vallée heureuse des Ait Bougmez) en accordant la place aux matériaux locaux à des formes de structures d’habitats modernes, avec emplois des bétons de terre stabilisée permettant d’accompagner, de modifier et d’adapter une certaine vision et définition architecturale répondant à ce milieu d’une vallée forte de son identité architectonique et marquée d’un design maintenant partagé. (Illustration : Sous les toits berbères de Titouan Lamazou).

En suivi de ces réalisations divers exemples dans la région de Tata, dont celui de la réhabilitation d’une vieille bâtisse au sein d’un ensemble de ruines de sept douars familiaux, vieux de 500 ans (environs), dans le cadre d’une volonté personnelle, individuelle et dans le but de considérer ce patrimoine, dans le cadre d’un projet écotouristique, de vision géo- agro-écotourisme devenu ainsi la « Maison d’Hôtes Dar Infiane sise à Tata et ses annexes de Tissint, Campement Akka Nait Sidi et Maison de Charme Chez Lahcen ». Cette maison et ses annexes expriment à la fois les espaces architecturés vernaculaires faisant valoir tout ce qu’est la ventilation passive et notions de ces arts de vivre en ces demeures oasiennes. Dar Infiane aura été visitée par de très nombreuses familles marocaines de toutes régions du Maroc, familles à la recherche de solutions de leurs habitats ruraux, de valorisation de leur patrimoine !

Par ces différents projets et sur le plan urbanistique, ce qui parait très intéressant pour le Maroc, je tiens à mettre en valeur cet exemple, très particulier du Sous Massa avec la Région de TAFRAOUTE, définissant que, bien qu’aucune autorité n’ait pris en charge le besoin de réguler une forme d’habitat du monde rural de ces territoires, cette région soumise à un exode rural important depuis des décennies, (boostée par une économie circulaire basée sur le commerce de l’amande, fruit pouvant être stocké avec des prix pouvant être régulés selon l’offre et la demande), aura produit un habitat résultant des fruits de cette immigration qui, contrairement à tout l’urbain marocain du nord au sud et contrairement à toutes ces maisons en bordure de routes qui sont en ciment, non enduites, non finies, du même style architectural en copié collé, etc., immigration qui pour cette région a su se démarquer du fait des volontés intimistes et rurales de ces populations immigrées d’origines à vouloir investir en leur région dans un parfaite volonté architectonique et urbanistique répondant au besoin de réaliser des maisons dites de « TAFRAOUTE », finies, peintes et décorées en façade, donnant une caractéristique régionale purement issue du fait de la seule volonté de ces immigrés réunis en tant que population fière d’être issue de son terroir.

 Vous considérez donc que malgré le changement climatique et les conditions liées à l’immigration, ces populations confirment leur volonté de se réinvestir de manière identitaire et vernaculaire dans leurs terroirs d’origines    

Cela démontre bien en somme que le monde rural offre certains avantages malgré ces défis climatiques. Le retour à la réhabilitation de ces territoires est en effet une approche de plus en plus discutée en raison des problèmes des réchauffements climatiques et des variations thermiques de la Terre, et pourtant ces constats étant faits nous définiront qu’il est important de noter que la réhabilitation du monde rural ne signifie pas un rejet du monde urbain mais bien au contraire une volonté de perpétuer l’existence rurale sous de nouvelles formes de développements mieux adaptés. Je pense en cela qu’il est important de donner le temps nécessaire pour que le Maroc assure les mises en œuvre de la régionalisation avancée permettant de mieux répartir les richesses régionales et les équilibres humains entre urbain et rural, nécessaires aux formes de développements nationaux permettant ainsi d’assurer que le développement du monde rural apportera les solutions adaptées aux nouvelles normes de développements rapportées aux nouvelles énergies et richesses minières qui permettront ainsi d’apporter les équilibres des richesses en parallèle de celles des formes de développement nationales en réintégrant ainsi l’humain dans sa géologie, géographie et milieu vernaculaire où les populations se reconnaissent dans le bien être de vivre avec la fierté retrouvée du partage de leur propre milieu culturel retrouvé !

Patrick SIMON – Président AMDGJB

Association Marocaine de Développement du Géoparc Jbel Bani, qui gère le

Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani  (TSGJB)