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Par Btissam Zejly : A la découverte du Maroc À Guelmim, sur la « Voie Royale des Oasis » TSGJB – Interview Patrick Simon

Entre terre et mer, sable et roche, plaine et montagne, l’archipel d’oasis de Guelmim Oued-Noun marque autant par sa beauté désertique que par sa résilience au fil des siècles. Qu’elles soient de plaine, de vallée ou de montagne, ces oasis sont le reflet d’une culture et d’une histoire qui s’entrelacent avec une géographie protéiforme, esquissant un écosystème saharien unique, aux portes du désert. Patrick Simon, premier vice-président du Conseil régional du tourisme de la Région Guelmim-Oued Noun nous explique les spécificités de ces terres du Sud.

À 200 km au sud d’Agadir, se dresse en plein cœur d’un vaste espace semi-désertique: Guelmim, dernier grand carrefour avant l’immensité saharienne. « Porte du Sahara » donc, appelée aussi la « Perle du désert », la ville et toute la région abritent un écrin d’oasis parmi les plus belles du Maroc.

En partant de Guelmim, quelle que soit la direction empruntée, la route finit toujours par aboutir, du moins transiter par une oasis, enfouie au fond d’une vallée, ou nichée derrière un canyon ou sur le lit d’une rivière, parfois surgissant tout simplement en plein milieu d’une plaine désertique à la faveur d’une source d’eau. Un archipel d’oasis parsemé dans toute la région qui, malgré les aléas du temps, du climat, de la géographie ou juste de l’action humaine, a su préserver cette impressionnante capacité d’inclusion des lieux et de leurs habitants dans leurs paysages naturels.

À Guelmim, on est tout d’abord interpellé par les palettes des couleurs qui varient à longueur de journée, toute l’année, selon les saisons

L’archipel aux mille oasis

À une quinzaine de kilomètres au nord-est de Guelmim, l’oasis d’Abaynou est le premier arrêt prisé par les voyageurs de passage dans la région. Dans cette palmeraie longtemps structurée autour de ses palmiers et ses oliviers, au milieu de constructions en pisé, on a découvert il y a quelques années seulement des sources thermales, dont les premières ont surgi en 2002. La découverte de ces thermes a été une bénédiction pour ce petit paradis oasien qui depuis a vu émerger tout un écosystème éco- touristique (piscines thermales, hôtels, camping, etc.) favorable au développement de l’oasis, de Guelmim et toute la région. Un projet de valorisation de la station thermale est en cours pour assurer la durabilité du site et sa résilience face aux effets du changement climatique et renforcer l’économie solidaire née de l’exploitation de ces sources thermales.

Dans le versant sud de la ville, à une dizaine de kilomètres de Guelmim, se trouvent certainement les plus belles oasis de la région. À Asrir d’abord, petit village à 10 km de Guelmim, qui abrite une première série d’oasis formées autour de ksours, qui s’étendent en véritable chapelet oasien sur plusieurs kilomètres jusqu’à Tighmert, le long du mythique fleuve « Nun ». Asrir est plus qu’une oasis : elle aurait abrité la fameuse cité de « Nûl Lamta », une des plus importantes cités caravanières médiévales, dont la fondation selon une tradition locale remonte au 8e siècle. La cité aurait ensuite connu son âge d’or sous le règne Almoravide entre le 11e et 12e siècle, d’abord comme carrefour commercial à la porte du Sahara sur la route des caravanes, mais aussi comme site référent dans la fabrication de boucliers. La singularité de ce patrimoine culturel et historique a même poussé le Maroc à le proposer pour inscription, en 2016, dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le chapelet d’oasis sur plusieurs kilomètres entre Asrir et Tighmert est un lieu incontournable qui offre l’occasion de s’immerger dans la magie humaine de la région

«Magie humaine»

La richesse archéologique de tout ce chapelet oasien à partir d’Asrir se mêle à la diversité de l’écosystème naturel de Tighmert avec ses palmiers, ses jardins, ses bâtis en pisé, ses ksours et kasbahs, pour dessiner ainsi un grand espace oasien au sud de Guelmim, très singulier de par sa beauté naturelle mais aussi toute l’Histoire des lieux et de la région qui se dégage du paysage, de l’architecture et de la culture qui y règnent. Terre de nomades, les fameux « hommes en bleu », le chapelet d’oasis sur plusieurs kilomètres entre Asrir et Tighmert est un lieu incontournable qui offre l’occasion de s’immerger dans cette « magie humaine », comme la décrit Patrick Simon, premier vice-président du Conseil régional du tourisme de la Région Guelmim-Oued Noun. Et ce grâce à « des populations parfaitement intégrées et pénétrées de leurs cultures ayant su façonner pendant des siècles ces écosystèmes développés dans l’esprit des lieux, c’est-à- dire en tant qu’enfants issus de ces paysages », souligne-t-il. Pour pérenniser ce legs naturel et culturel, la kasbah caravansérail du village a été reconvertie en musée valorisant l’héritage des nomades sahraouis.

En pénétrant plus profondément dans les plaines désertiques à l’est de Guelmim, l’oasis de Fask offre une première halte bienvenue dans cette atmosphère chaude caractéristique de la région. Au milieu des dunes, enfouie au cœur d’une gorge, l’oasis de Fask donne lieu, au printemps (les années où la pluviométrie est abondante) à un paysage majestueux : une chaude et limpide eau qui se faufile au milieu de la roche pour se jeter au fond d’un canyon, formant ainsi une cascade rafraîchissante au beau milieu du désert.

Terre de jonction entre les influences amazigh au nord et sahraouis au sud, Fask, son oasis et ses cascades font partie de cette « abondance d’oasis et de palmeraies qui forment les paysages paradisiaques de la région de Guelmim, à l’instar de Tglit, Zraiouila, Timoulay, Ifrane dans l’Anti-Atlas, Taghjijt, Aday et Amtoudi », décrit le 1er vice-président du CRT de Guelmim. Pour Patrick Simon, la beauté des lieux est indissociable de l’histoire de l’Homme dont il l’a bénéficiée, exploitée, entretenue voire embellie au fil des siècles. « L’oasis d’Amtoudi, appelée aussi Id-Aïssa, est un lieu d’une grande beauté. Il est connu aussi pour ses greniers perchés sur de véritables pics rocheux. L’oasis de Taghrirt, territoire de la tribu des Aït Brahim, est, pour moi, une des plus belles oasis de Guelmim », nous confie-t-il.

Entre contraste et harmonie

Dans ce voyage oasien aux portes du Sahara, Patrick Simon nous enjoint de pousser d’abord vers la province d’Assa, sur fond d’Anti-Atlas, où surgissent au fond d’une vallée, une oasis, son ksar, sa zaouia et ses palmiers. Ce qui surprend le visiteur à l’approche d’Assa dans la vallée de Draâ, c’est le contraste des couleurs : un grand espace verdoyant niché entre dunes de sable, roches montagneuses et plaines désertiques. Une fois à l’intérieur, on découvre toute la richesse patrimoniale des lieux, notamment le Ksar Assa, haut lieu de la culture sahraouie, situé sur une colline qui surplombe l’oasis. Tout autour, une immense palmeraie qui, avec le vivier palmier de la province de Tata, constitue près de 20 % du patrimoine palmier-dattier du Maroc.

Vous pouvez vivre à Guelmim cette culture de l’immatériel qui valorise ces lieux issus d’une géologie qui aura été définie depuis plus d’un siècle comme le paradis des géologues et des photographes

Encore plus à l’est donc, dans la province de Tata, se trouvent trois grandes oasis : Akka, Foum Zguig et Tata donc. Akka, à 60 km de Tata, est une oasis où les palmiers-dattiers, nombreux, laissent parfois de la place à des champs de blé ou à quelques cultures vivrières. Point d’étape des anciennes caravanes transsahariennes, Akka, en plus d’être une oasis, est tout simplement un musée à ciel ouvert : On s’y balade au milieu des vestiges de l’ancienne Kasbah de Sidi Abdellah BenMbark où se dresse au centre ce qui reste d’une mosquée et de son minaret datant du 12e siècle, une belle construction dont l’architecture rappelle pour beaucoup la Tour Hassan à Rabat. Autour de l’oasis, à 5 km au nord, surgit sur une formation rocheuse : le ksar Agadir n’Owzrou, une petite citadelle ceinte d’une muraille et abritant une ribambelle de maisons traditionnelles. Les plus aventureux pourront s’éloigner davantage de la petite localité d’Akka à la recherche des trésors cachés de la province, comme la cité ensevelie dans le sable de Tamdoult, fondée au 9e siècle, ou les différentes sites de gravures rupestres. Plus loin, on débouche enfin sur Tata, une ville ceinte de toute part par des oasis. Lhena, Tighremt, Agoujgal, Indfiane, Taourirt, Akka Iznkade, Addis … ces oasis de montagne et de vallée ont su préserver leur beauté authentique et l’histoire des lieux, comme en témoignent les khettaras encore à l’œuvre pour l’irrigation et la distribution de l’eau.

L’alliance du minéral et de l’organique

À l’évocation du paysage oasien de Guelmim, Patrick Simon, investi sur le terrain dans la valorisation de ce vaste territoire depuis 2001 déjà, et qui en est un fin connaisseur de la région, ne tarit pas de descriptions éloquentes. « Dans ces différents lieux marqués par des paysages très minéraux, on est tout d’abord interpellé par les palettes des couleurs qui varient à longueur de journée, toute l’année, selon les saisons. Dans ces immensités exceptionnelles partagées entre désert, montagne et mer, vous pouvez vivre cette culture de l’immatériel qui valorise ces lieux issus d’une géologie qui aura été définie depuis plus d’un siècle comme ‘le paradis des géologues et des photographes’ », commence par décrire poétiquement notre interlocuteur. De ces paysages à la géographie singulière, poursuit-il, « se dégage un esprit de ces lieux avec une expression du vivant, un vivant qui a été capable de dominer ces terres arides et semi-arides et qui, de la mer et tout en longeant la chaîne du Jbel Bani, y a créé cette « voie royale des oasis » » Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani (TSGJB).

Portée par le commerce florissant des caravanes vers les régions subsahariennes, Guelmim a longtemps été au carrefour d’un réseau d’échange économique dense, une dynamique qui a créé au fil des siècles une mixité des cultures et favorisé ainsi le brassage des coutumes dans ce territoire. « Cette voie royale des oasis  »Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani (TSGJB) » est une voie imprégnée d’architectures et de cultures, un patrimoine matériel et immatériel donc qui, historiquement, aura été marqué aussi bien par des voies préhistoriques amenées par les Tumulus issus du Sub-Sahara, de l’Afrique de l’Est, que par les périodes d’inclusion judéo-amazigh, sans oublier les voies économiques qui, avec les invasions arabes, aboutiront au développement d’une économie oasienne durable », narre le premier vice-président du CRT de la région.

L’inaliénable esprit des lieux

Patrick Simon nous rappelle ainsi que le croisement de ces différentes influences ont finalement façonné et enrichi ce paysage d’exception, laissant émerger au fil des siècles « un esprit des lieux caractérisé par des architectures particulières, comme les greniers collectifs (agadirs), les mosquées qui ont été adaptées dans la région à la notion de climatologie pour tenir compte de la gestion de l’eau, la gestion des palmeraies avec leur horloges à eau, les Khettaras en tant que longues galeries souterraines capables d’aller chercher de l’eau en haute montagne dans les vallées voisines. Des Khettaras qui étaient capables de maintenir l’eau pour régénérer les nappes phréatiques et créer de la vie et de la richesse en ces lieux très difficiles que seul l’humain issu et en phase avec ces lieux à su dompter pendant plus d’un millénaire.»

Plus que le brassage des cultures et l’inclusion totale des populations dans leur milieu naturel, entre plaines désertiques, formations rocheuses, gorges et vallées, la résilience de ce vaste environnement oasien de la région de Guelmim-Oued Noun est, pour Patrick Simon, l’atout premier à préserver. Attaché à cette « culture vernaculaire » qui anime cet environnement oasien, « en définissant cette convivialité qui prend ses racines dans ces lieux et fonde encore les bases de résilience de cette authenticité marocaine qui interpelle », le 1er vice-président du CRT de Guelmim estime qu’il faut « chercher des formes de développement respectant les équilibres humains, c’est-à-dire capables de retrouver les fondements d’une ruralité basée sur l’humain, sur la nature, des fondements issus et composés en symbiose avec la géographie et une gestion de l’eau adaptée au lieu ».

SOURCE WEB PAR : Médias 24 – Btissam Zejl Publié le 12 avril 2024