Sud Maroc -Sècheresse – Agriculture oasienne: Un écosystème millénaire en déperdition
Changement climatique : Et si les fondements de l’écosystème millénaire étaient la solution en équilibres du monde rural ?
Un savoir-faire hydraulique perdu par l’émigration
L’économie oasienne représente 20% du territoire
Dans les régions arides et semi-arides qui définissent l’économie oasienne, investie il y a dix siècles (depuis la deuxième arrivée arabe dans ces régions), l’implantation des palmeraies de manière intensive a été inclusive des populations berbères sur place.
L’abandon des techniques ancestrales, le morcellement des terres, la sècheresse… ont eu raison d’écosystèmes bien établis (Ph. L’Economiste)
Les palmeraies et la culture vivrière ont permis aux habitants de descendre des montagnes et de pratiquer une économie durable jusqu’à la fin du 19e siècle et le début du 20e, relève Patrick Simon. Le président de l’Association marocaine de développement du Géoparc Jbel Bani vit au Maroc depuis six décennies. Il a exercé au sein de la chambre de commerce française avant de s’installer à Tata, il y a de cela 13 ans.
Les activités de Simon dans le développement territorial et le géo-agro tourisme depuis 23 ans lui donnent l’occasion de travailler sur les sciences humaines et sciences de la terre, en partenariat avec des universités marocaines et écoles d’ingénieurs et d’architectes.
Forcés à l’exil
«L’implantation du palmier par les Arabes a fait l’objet d’études d’impact sur la base d’études des bassins versants, réalisées il y a 2000 ans par les Maurétaniens basés à Tanger. Ces derniers avaient prospecté dans la région en marge du commerce d’or et d’argent», relève le président de l’association. L’eau disponible provient des nappes phréatiques dans cette région aride où il pleut rarement, et qui est également desservie par l’Anti-Atlas grâce au ruissellement.
Dans ces plaines désertiques de Tata où les palmiers n’existaient pas, les khettaras (un dispositif traditionnel de mobilisation de l’eau souterraine) datant de 5000-6000 ans sont importées d’Orient, Perse-Yemen.
La Khettara consiste à détourner l’eau dans les vallées voisines, d’amont en aval, pour reconstituer les nappes phréatiques. Ce système permet d’irriguer les palmiers dont la consommation s’élève à 300-400 l/jour pour un palmier adulte.
Au fil du temps, la population devient experte en creusement des galeries souterraines grâce au savoir-faire des khettaras. A la fin du 19e siècle, Français et Allemands vont se bagarrer pour réquisitionner les habitants, transformés en mineurs, afin de les faire travailler dans le nord de la France (la Mouzeil pour les charbonnages de France et la Ruhr en Allemagne). Leur départ détruit complètement la gestion hydrique et l’équilibre oasien, qui a également souffert des attaques acridiennes au cours du 20e siècle. Les luttes contre ces attaques avec des pesticides ont détruit, par mégarde, les abeilles sahariennes responsables de la pollinisation, selon Simon. Le renoncement à une économie durable avec une nativité élevée, et le parcellement des propriétés familiales, ont pour leur part réduit la rentabilité. L’abandon des techniques vivrières et agricoles qui existaient sur place pose un véritable problème, car l’économie oasienne représente 20% du territoire, avec 5 à 6 millions d’habitants qui se mettent sur le chemin des villes en l’absence de solution.
Des efforts anéantis par la sècheresse
Dès 1985, Myriam Drissi revient dans la palmeraie de Skoura (à 40 km de Ouarzazate) pour tenter de ressusciter l’autonomie de l’agro-écologie inspirée par Pierre Rhabi. Bon an, mal an, des formations sont organisées en faveur des familles afin de pérenniser leur installation dans l’oasis qu’elle a connue dans son enfance et qui se perdait à une vitesse vertigineuse. «Quand un arbre est mort, il n’est pas remplacé», regrette-t-elle.
Pour lutter contre l’exode rural, un modèle agricole est constitué sur place, avec un idéal d’autonomie à atteindre. «Nous avons déménagé plusieurs fois avant que le ministère de l’Agriculture ne nous fasse confiance et nous attribue un lopin de terre de 1.500 m, avec un accès au puits dans un centre de mise en valeur agricole abandonné. C’était un signe supplémentaire que quelque chose n’allait pas. Nous avons distribué des ruches à 200 femmes, mais aujourd’hui notre travail a été anéanti par la sécheresse», témoigne-t-elle. Le stress hydrique atteint des niveaux inquiétants. En 35 ans, les apports d’eau par habitant sont passés de 2.800 m3 à 500 m3.
Par Mounira LOURHZAL L’Economiste| Edition N°:6928 Le 15/01/2025